Analyse des règles successorales entre la France et Monaco

Par Maître Alexis Katchourine, Associé

Vous êtes actuellement résident fiscal en France et vous l’avez été pendant au moins six ans au cours des dix dernières années. Votre aïeule vient de mourir à Monaco, où celle-ci résidait depuis plus de cinq ans, vous léguant des biens meubles et immeubles situés à Monaco. 

Au vu du seul droit français, mauvaise nouvelle : vous êtes soumis aux droits de succession français sur tous les biens qui vous sont légués, même s’ils sont situés à l’étranger. Ces derniers, progressifs, peuvent aller jusqu’à 55% entre personne apparentées, et leur taux unique est de 60% entre personnes non apparentées.  

Toutefois, à la lecture de la convention fiscale franco-monégasque, la France perd le droit de taxer  cette donation si le défunt était ressortissant de l’un des deux pays signataires, donc s’il était de nationalité monégasque ou française. 

Si tel est bien le cas, bonne nouvelle : vous ne paierez pas les droits de succession français sur ces biens monégasques. Seule Monaco pourra appliquer ses droits de succession, beaucoup plus doux (0% en ligne directe, sinon entre 8 et 16% selon le lien de parenté). 

Si au contraire le défunt avait la nationalité d’un pays tiers, il faudra payer les droits de succession en France. Vous croyez que vous jouez de malchance ? 

Pas forcément, car il vous reste encore une carte à jouer. 

En effet, il faut regarder ailleurs, dans les autres conventions fiscales signées avec la France. 

Certaines de ces conventions contiennent en effet des clauses dites « de non-discrimination », c’est-à-dire que les ressortissants de l’autre pays signataire seront traités de la même manière que les ressortissants français se trouvant dans la même situation, en l’occurrence ici, résidant à Monaco. 

Donc, si l’on reprend le cas de votre défunt domicilié à Monaco au moment de son décès, qui ne serait ni français ni monégasque, sa succession pourrait être traités comme s’il était un ressortissant français, donc exonérée de droits français, si le pays dont il avait la nationalité a signé avec la France une convention fiscale comportant une telle clause de non-discrimination. La convention fiscale signée entre ce pays et la France s’invite alors dans la convention fiscale franco-monégasque : sans être français ni monégasque, le défunt peut donc vous léguer des biens monégasques, alors même que vous résidez en France, sans que les droits de succession français puissent s‘appliquer.   

Toutefois, avant de se réjouir, il faut aller encore plus loin. 

D’une part, il faut être certain que la clause de non-discrimination est générale, c’est-à-dire qu’elle n’est pas limitée aux cas de résidence fiscale d’un des deux pays signataires. En effet, dans cette situation, la clause ne permettrait pas une application aux défunts résidant à Monaco, pays tiers à la convention. Ce qui exclut bon nombre de conventions fiscales et donc de nationalités. 

D’autre part, si la clause de non-discrimination est générale, il faut encore être certain qu’elle concerne bien le défunt, et non l’héritier. Or les clauses de non-discrimination visent le plus souvent le redevable de l’impôt, qui se trouve être en pratique la succession, donc les héritiers, et non le défunt lui-même. Cette problématique est complexe, mais peut être résumée comme suit : en matière de droits de succession, qui est visé par les clauses de non-discrimination des conventions fiscales? Si c’est la succession, redevable des droits, qui est visée, la nationalité du défunt importera peu et la France retrouvera le droit de taxer. Si, au contraire, c’est le défunt qui est visé, la France ne pourra pas taxer la succession : c’est le défunt qui sera assimilé à un français, et dans ce cas sa succession monégasque sera exonérée de droits en France.  

Après quelques hésitations, la jurisprudence semble dire que c’est bien le défunt qui peut bénéficier de ces clauses de non-discrimination, même si ce n’est pas lui le redevable des droits de succession en cause, ce qui est une bonne nouvelle. 

A l’heure où nous écrivons ces lignes, nous avons identifié plusieurs pays dont la clause anti-discrimination peut ainsi s’inviter dans la convention franco-monégasque et ainsi vous exonérer des droits de succession français sur les biens situés à Monaco: votre aïeule devra par exemple être une ressortissante d’Italie, du Liban, des Emirats, de Côte d’Ivoire… 

Donc, si votre aïeule a eu la bonne idée d’être ressortissante de France, de Monaco ou de l’un de ces pays…vous héritez de ses biens monégasques sans droit de succession en France.